La gymnastique holistique est issue du travail corporel introduit en France dans les années 30 par Lily Ehrenfried, médecin venue d’Allemagne pour échapper au nazisme, et élève de la pédagogue berlinoise Elsa Gindler. Marie-Jo Guichard, élève de Lily Ehrenfried, se consacra à la formation de praticien(ne)s et à la transmission de ce travail. Gindler, Ehrenfried et Guichard s’inscrivent dans une lignée de pédagogues-chercheurs français, américains et allemands qui débuta au 19ème siècle, à Paris…
En 1918, à 22 ans, Lily Ehrenfried reçoit son diplôme de professeur de gymnastique des mains d’Elsa Gindler.
En 1921, alors qu’elle enseigne déjà la gymnastique, elle entreprend des études de médecine, et s’inscrit à la Faculté des Exercices Physiques de Berlin. Elle se forme à la méthode Klapp et à la gymnastique orthopédique.
En 1926, sa thèse de médecine porte sur « L’observation des effets des exercices physiques systématiques sur les enfants en bas âge ». Elle se spécialise en pédiatrie, orthopédie, médecine du sport et gymnastique médicale ; compétences qu’elle met à profit dans divers cadres : hôpital public, dispensaire, crèche.
Elle mène parallèlement deux carrières, celle de médecin et celle de professeur de gymnastique.
Après la guerre, son diplôme de médecin n’étant pas reconnu en France, où elle s’est réfugiée en 1933, elle devient kinésithérapeute.
En 1956, elle publie « De l’éducation du corps à l’équilibre de l’esprit » dans lequel elle rend compte de son expérience professionnelle et décrit les principes de son travail.
Elle enseigne la gymnastique jusqu’à l’âge de 90 ans.
Lily Ehrenfried est formée par Elsa Gindler alors que celle-ci est une toute jeune professeur, qui n’a pas encore atteint la pleine maturité de ses talents et de son originalité. Et elle ne suit son enseignement que quelques années. Mais cette rencontre est néanmoins déterminante et oriente sa pratique toute sa vie durant : elle se considèrera toujours davantage comme une pédagogue que comme une thérapeute et sera toujours guidée par sa volonté de rendre ses élèves autonomes, en mettant à leur disposition des outils leur permettant de s’observer, de se connaître et de prendre en charge eux-mêmes leur santé. « On ne peut changer que ce qu’on connaît » écrira-t-elle, « l’élève doit progresser par ses propres moyens ».
Ses connaissances en anatomie et en bio-mécanique l’amènent à introduire les exigences d’un placement ostéo-articulaire juste dans le travail d’expérimentation cher à Gindler.
Mais, bien que formée à la kinésithérapie orthodoxe, elle refuse de dresser le corps et de « cultiver isolément les muscles », inscrivant sa pratique structurée et structurante, dans une approche globale longtemps avant que cette conception holistique ne soit à la mode en occident.
Sa formation médicale la conduit à s’intéresser aux effets de la gymnastique sur le fonctionnement organique du corps tout autant que sur celui de son système locomoteur. Elle cherche comment, « par un meilleur usage du corps, ne pas déranger les organes dans leur travail ». Pour elle, « c’est la fonction qui modifie la forme ».
Son attachement à la psychanalyse nourrit sa réflexion et sa pédagogie. Elle prend toujours en considération l’impact psychique et comportemental qu’un travail corporel approprié implique. « Nous n’avons jamais vu un être humain changer ses habitudes corporelles sans modifier profondément et durablement son psychisme ».
Pour Lily Ehrenfried, les cours de gymnastique sont le laboratoire où l’élève peut découvrir et explorer de nouveaux gestes, de nouvelles attitudes qui correspondent à sa « structure individuelle », éprouver un fonctionnement économique de son corps conduisant à un bien-être dont le souvenir restera profondément ancré en lui.
Dans le quotidien, peu à peu, le corps aspirera à retrouver cette aisance, cette fluidité et cette force expérimentées lors des cours et s’organisera pour y parvenir.
A partir de 1960, Marie-Jo Guichard travaille assidument en tant qu’élève auprès du Docteur Lily Ehrenfried.
Au début des années 80, à la demande de Lily Ehrenfried, alors très âgée, elle prend sa succession et commence à former des praticiens. C’est à elle que l’on doit le terme de gymnastique holistique ainsi que la création de la première association de praticiens.
Biologiste de formation, elle met la précision de son esprit scientifique, son grand sens de l’observation et sa curiosité de chercheuse au service de la gymnastique holistique. Elle s’intéresse parallèlement aux autres courants de techniques corporelles globales et à la médecine traditionnelle chinoise.
Sa démarche est résolument moderne car, tout en restant fidèle à la tradition du travail, elle affine, développe, analyse toujours plus précisément la construction et les effets des mouvements. Nous lui devons notamment l’introduction et le développement de la notion de « travail à distance », ou comment un travail effectué dans une certaine région du corps va avoir, par le biais des chaines musculaires, un effet significatif sur une autre région située à distance. Les zones les plus sensibles peuvent ainsi être abordées et soulagées indirectement, permettant aux élèves de progresser en douceur.
Marie-Jo Guichard a fait rayonner la gymnastique holistique à travers le monde, en formant des praticien(ne)s en Europe et sur le continent américain (Brésil et Canada).
Son héritage est un bien précieux que les praticiens actuels cultivent et enrichissent en restant eux aussi fidèles à l’esprit du travail.
“Le corps de l’Homme, ce diamant de la création, est l’alphabet universel de l’encyclopédie du monde »
«La valeur de la parole tient dans sa faculté à communiquer ce que nous savons, tandis que pour révéler ce que nous sommes, nous dépendons de la Pantomime».
« Chaque habitude de marche, de posture, de mouvement et de détente est susceptible d’atteindre un haut degré de raffinement grâce à un entraînement méthodique.”
“Le mouvement naît de la respiration. La respiration doit accompagner le mouvement, l’animer et l’irriguer”.
“Ce n’est pas la gymnastique qui importe, mais l’attention avec laquelle on la pratique et l’esprit dans lequel on travaille.»
“Le but n’est pas d’obtenir un état idéal, égal pour tous, mais de permettre à chacun de retrouver en lui les possibilités enfouies.»
« François Delsarte, une anthologie » d’Alain Porte aux éditions IPMC, 1992.
« Corps, arts et spiritualité chez François Delsarte (1811-1871) », thèse de Franck Waille. Université Jean Moulin / Lyon 3. 2009.
« Steele MacKaye : actors training methods » Thèse de Donald Francis Hebert. Université du Texas. 1997.
« The Cultivation of Body and Mind in nineteenth-Century american delsartism » de Nancy Lee Chalfa Ruyter.
Greenwood Press. 1999.
« Heilkraft durch Atem und Bewegung » de Hede Kallmeyer. Haug Verlag. 1970.
« Elsa Gindler. Von Ihrem Leben und Wirken. » de Marianne Haag / Fondation Jacoby-Gindler. Christians. 2002.
« De l’éducation du corps à l’équilibre de l’esprit » de Lily Ehrenfried. Editions Aubier, 1956.
Autobiographie non publiée de Lily Ehrenfried. 1968. Archives.
« Sur le chemin de la détente » de Alice Aginski. GuyTrédaniel Editeur. 1994.
Entretien avec Alice Aginski par Christine Salomon-Léon. Cahier n°2 de l’AEDEPGH.